mardi 28 avril 2015

Une enquête de Greg Marlowe : Cognac

Pour les besoins de ma nouvelle enquête, j’avais pris l’avion pour Paris puis le train pour Cognac. J’arrivai à l’étude de Maître É. Talon et me présentai à la réceptionniste, une jolie brunette à la poitrine très avantageuse qui répondait (ou pas) au joli prénom de Gretchen. Mmm. Un joli prénom d’oiseau des îles : Tahiti, Tuamotu...

— Bonjour, gente tourterelle, je m’appelle Gregory Marlowe et je suis privé à Boston. Mais pas privé de vue, et c’est heureux car vous êtes le genre de petit lot que j’emmènerais sur une île déserte (Tahiti, etc.).
— Oh, Monsieur Gregory. Vous savez parler aux femmes, vous, minauda-t-elle, la grosse truffe. Vous venez pour le Maître ?
— Mais non ! Je viens juste le voir.
— Si vous n’avez pas rendez-vous, je vais devoir vous faire patienter. Je vais vous conduire à l’espace détente.

Je fus horrifié. Elle me prenait pour une tarlouze, non mais ! Pas de doute, j’étais tombé dans un repère d’homos. Puis j’ai été rassuré lorsque la secrétaire me fit faire une balade entre les bombes. En effet, les employées étaient TOUTES de vrais canons, jeunes et jolies, du genre à avoir juste remplacé prothèses dentaires contre ma mère.

« Que diable vient faire ma mère dans cette histoire ? Pourtant ce n’est pas Noël ! Bizarre autant qu’étrange... » Le Notaire devait me recevoir rapidement, j’ai eu juste le temps de boire un café.

Et de sauter Gretchen sur un bureau super bancal (et la question super banco maintenant, envoyée par Monsieur Dupont, de Nemours : « Quel est le prénom de l’auteur du roman Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier ? » Attention, il y a un piège ! *1). Pendant l’acte, Gretchen couinait comme une petite souris. Enfin, une grosse rate, car elle était proche du quintal (oui, du Cantal aussi car elle est de Saint-Céré *2) pour seulement un mètre cinquante.

Comme elle était ronde, j’ai pris mon temps : quatre fois je l’ai sautée. Je connais mon solfège sur le bout des doigts. Puis j’ai fait une pause. Elle avait sa dose.

Quand je suis entré dans le bureau du notaire, il était au téléphone ; il m’a juste dit :

— J’en ai pour une minute.
— Pas de souci ; en vous attendant, j’ai pris la grosse.

Enfin il raccrocha et fut tout à moi. Enfin, façon de parler. Je n’avais pas envie de sauter un notaire qui n’avait même pas de cravate. J’expliquai donc l’objet de ma visite :

— Bonjour. Je suis détective privé à Boston. Une difficile enquête me conduit en France : je suis à la trace un homme d’affaires véreux ; enfin, plus véreux que les autres...
— Bravo pour votre connaissance de la langue de Rimbaud, cher Monsieur !

« Que diantre vient faire un arc-en-ciel (*3) dans la conversation ? » Je haussai un sourcil à la Tom Selleck, pas le sourcil où il drague les filles et où elles se mettent à poil, non. Celui où il demande la plus élémentaire discrétion. L’homme de loi comprit le message car il resta habillé.

— Et pourquoi venez-vous dans mon étude ?
— Parce que Mister Coyote est originaire de Cognac. Et vous êtes son notaire attitré.
— Monsieur Coyote... Pas monsieur Vil Coyote quand même ? s’alarma-t-il.
— Celui-là même !
— Mais, le secret médical... Enfin, le secret professionnel, tout ça !
— Pas à moi, Maître. Je suis accrédité auprès du barreau, de chaise principalement : je fume le cigare, et en plus je suis ténor. Je peux même vous faire chanter, d’ailleurs. J’ai vu vos secrétaires aux poitrines aguicheuses que je croyais siliconées au début. Et puis j’ai tout compris. Votre voisin, le crémier Achille, est votre frère. Vous pratiquez sur votre personnel la traite des blanches, misérable ! Et ce lait que vous tirez est ensuite vendu sous forme de Saint-Nectaire et de fourbe d’Ambert !
— Damned, je suis fait tel le rat, se lamenta le pauvre notaire (enfin, pauvre, c’est une expression !).
— Ou comme un camembert ! Et c’est bien fait ! m’en moquai-je.
— Pitié, je vous dirai tout !
— Bien, allez-y.
— Alors... À deux ans et demi, j’ai fait renvoyer ma nounou en l’accusant d’avoir volé l’argenterie...
— Holà, calme ! Je veux tout savoir, mais seulement SUR COYOTE, éructai-je en postillonnant grave.
— Ah oui, pardonnez-moi. Il y a si longtemps que je recule ma visite au confessionnal...
— Tu as tort, Hector. Moi, je vais à con fesses tous les jours, et plusieurs fois par jour en plus. Quand tu t’es bien soulagé, tu te sens mieux !
— Oui, hélas. Monsieur Coyote convoite une jeune fille américaine volage, mademoiselle Roadrunner. Il veut lui voler dans les plumes, con voler avec elle. Mais elle le fuit, la petite futée. En lui tirant la langue, en plus. Alors il est mécontent et fomente des plans terribles. Mon étude sert à refinancer sa société ACME qui dépense des sommes folles pour mener à bien ses méfaits.
— Pouvez-vous me décrire cette demoiselle Roadrunner ?
— Oh... De grands yeux malicieux, un nez très pointu, de très longues jambes, des cheveux bleus...
— Les cheveux bleus ? Et elle habite où, cette jeune femme ?
— Dans le désert de l’Arizona. C’est tout ce que je sais. Ce doit être une athlète qui passe son temps à courir ; si vous voulez mon avis, mon client n’a aucune chance. Voulez-vous un Ouisqui ? J’ai du pur malt de treilles d’Écosse que je fais vieillir en fût de chêne.
— Attention en passant entre les caisses pour boucher le trou du fût ! ironisai-je.

J’acceptai bien sûr et nous avons trinqué et torché la bouteille en un rien de temps. Ces Français savent recevoir, y a pas !

Je me suis réveillé avec une gueule de bois terrible, avachi dans mon fauteuil et une bouteille de cognac vide sur le falzar. La télé diffusait une série de dessins animés de Chuck Jones. Mon épouse, Karina, gueulait comme un veau et me collait encore plus la migraine. Mais vu qu’elle était en petite tenue, j’hésitais entre la sauter tout de suite ou d’abord avaler deux Doliprane.

Dans la vie, il y a toujours des décisions graves à prendre.

Auteur : Matt Démon


*1 : le prénom d’Alain-Fournier est Henri Alban, son nom de famille étant simplement Fournier.
*2 : Saint-Céré, petite commune du Lot, non loin du Cantal. On y inventa la machine à levier, et non le soutien-gorge. Qui est quand même une sorte de machine à levier.
*3 : Rimbaud, rainbow, hé !

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